Toxicomanies et délinquance : les idées de Jean Bergeret

La question du lien entre toxicomanie et délinquance est un sujet central des travaux de Jean Bergeret, professeur à l’Université Lyon II. Dans son article Toxicomanes et délinquants, publié dans le Bulletin de Psychologie en 1983, il analyse les facteurs psychologiques et sociaux qui relient ces deux phénomènes. Plutôt que d’adopter une vision simpliste opposant malade et criminel, Bergeret met en lumière la complexité des profils des toxicomanes et les mécanismes sous-jacents qui favorisent leur passage à l’acte délinquant.


Toxicomanes et délinquance : un lien inévitable ?

Bergeret constate que la majorité des toxicomanes sont tôt ou tard confrontés à la délinquance, ne serait-ce que pour financer leur dépendance. Mais il rejette une vision déterministe, expliquant que tous les toxicomanes ne sont pas des délinquants et vice versa. L’erreur serait de considérer le toxicomane uniquement comme un malade, exempt de toute responsabilité, ou comme un délinquant en puissance, condamné d’avance à la marginalité.

Il souligne que toute dépendance prolongée augmente le risque de délinquance ou d’effondrement psychique, mais que la société joue un rôle actif dans cette dynamique en refusant d’analyser les causes profondes du problème.


La psychologie des toxicomanes et délinquants

Bergeret insiste sur le fait que les toxicomanes et les délinquants ne forment pas un groupe homogène, mais qu’ils présentent souvent des profils psychologiques similaires, marqués par :

  • Un déficit de mentalisation : une difficulté à élaborer des pensées complexes et à anticiper les conséquences de leurs actes.
  • Une carence narcissique : une faible estime de soi qui pousse à rechercher des compensations externes (drogues, transgressions).
  • Une immaturité affective : un rapport fragile aux figures parentales et aux idéaux.
  • Un mode défensif maniaque : une fuite en avant pour éviter la confrontation avec leur propre souffrance psychique.

Contrairement à une idée reçue, Bergeret affirme que ces sujets ne sont pas « régressifs » mais fixés à un stade immature, empêchant leur développement psychique normal.


Violence et passage à l’acte

L’une des distinctions essentielles que Bergeret met en avant est celle entre violence et agressivité :

  • L’agressivité suppose une intention, une cible, un objectif.
  • La violence, au contraire, est une énergie brute, un instinct archaïque qui n’est pas toujours dirigé vers un but précis.

Dans ce cadre, les délinquants et toxicomanes agissent souvent par violence plus que par agressivité. Ils ne transgressent pas pour nuire, mais par impulsion, incapables d’intégrer une régulation interne de leurs désirs et frustrations. C’est une donnée essentielle pour comprendre les limites des approches purement répressives, qui ne prennent pas en compte cette dynamique psychique.


Conclusion : une crise plus large de la société

Au-delà des toxicomanes et des délinquants, Bergeret invite à une réflexion plus large sur l’évolution de notre société. Il considère que ces comportements traduisent une crise des valeurs traditionnelles (famille, autorité, morale) qui laisse un vide affectif et psychique chez de nombreux jeunes. La délinquance et la toxicomanie ne sont donc pas seulement des pathologies individuelles, mais des symptômes sociaux.

Il conclut en appelant à une prise en charge plus globale, dépassant l’opposition stérile entre approche médicale et approche judiciaire, pour favoriser des solutions éducatives et préventives.


Idée clé mise en avant :

“La toxicomanie et la délinquance ne sont pas des phénomènes indépendants, mais des symptômes d’une crise plus large touchant l’individu et la société, nécessitant une approche globale alliant prévention, soin et éducation.”

Référence

Jean Bergeret, Toxicomanes et délinquants, Bulletin de Psychologie, tome 36, n° 359, 1983, pp. 225-232.

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