La psychologie clinique : les idées de Juliette Favez-Boutonier

Introduction
Juliette Favez-Boutonier (1903-1994) est une figure essentielle de la psychologie clinique en France. Elle a joué un rôle clé dans la reconnaissance de cette discipline et son institutionnalisation au sein de l’université. Dans son article La psychologie clinique (1996), elle clarifie les spécificités de cette approche, souvent confondue avec la psychopathologie ou la médecine. En insistant sur la rencontre humaine, l’observation des conduites individuelles et l’analyse des singularités, elle défend une vision intégrative de la psychologie clinique, à la croisée des sciences humaines et de la psychanalyse.
1. La psychologie clinique : une discipline autonome
Une notion encore mal définie
Favez-Boutonier souligne que le terme psychologie clinique est relativement récent dans le paysage académique français. Avant la Seconde Guerre mondiale, il était peu utilisé, et sa signification restait floue. Son introduction dans le champ universitaire s’est faite sous l’impulsion de Daniel Lagache, qui a insisté sur la nécessité de distinguer la psychologie clinique de la psychologie expérimentale et de la psychiatrie.
Cependant, cette discipline souffre d’un malentendu persistant : certains considèrent qu’elle relève uniquement de la médecine ou de la psychopathologie, alors qu’elle s’intéresse à tout individu, qu’il soit en souffrance ou non.
Un objet et une méthode propres
Favez-Boutonier affirme que la psychologie clinique repose sur :
- Un objet d’étude spécifique : l’être humain dans sa singularité, dans un contexte donné.
- Une méthode clinique : une approche globale et approfondie, fondée sur l’observation et l’analyse des conduites individuelles.
Ainsi, la psychologie clinique ne se limite pas à l’étude des pathologies mais vise à comprendre la subjectivité et la complexité de chaque individu.
2. L’importance de l’observation et de l’entretien clinique
L’observation clinique : entre rigueur et singularité
Contrairement à la psychologie expérimentale, qui cherche à établir des lois générales, la psychologie clinique s’attache aux cas particuliers. L’observation y joue un rôle fondamental, mais elle pose plusieurs défis :
- Peut-on réellement observer un individu sans l’influencer ?
- Comment isoler des variables dans un contexte toujours changeant ?
Favez-Boutonier reconnaît que l’observation clinique ne peut être totalement neutre, car elle implique une interaction entre l’observateur et l’observé.
L’entretien clinique : un outil central
L’entretien clinique est la méthode privilégiée en psychologie clinique. Il repose sur un échange entre le psychologue et le patient, où le premier cherche à comprendre les problématiques du second à travers le récit, les émotions et les comportements.
Quelques principes fondamentaux de l’entretien clinique selon Favez-Boutonier :
- Il implique une relation humaine authentique et non une simple collecte d’informations.
- Le psychologue doit adopter une posture d’écoute active et bienveillante.
- L’entretien peut révéler des aspects inconscients et favoriser une prise de conscience chez le patient.
3. La place du psychologue clinicien : entre éthique et engagement
Une implication nécessaire dans la relation
Favez-Boutonier insiste sur un point crucial : le psychologue clinicien ne peut être un observateur passif. Toute interaction clinique suppose une implication subjective, qui doit être reconnue et analysée par le psychologue lui-même.
Elle rejette l’idée d’une psychologie purement objective et défend une psychologie de la rencontre. Inspirée par les courants phénoménologiques, elle souligne que la connaissance d’un individu passe par l’expérience vécue et l’échange.
Les défis de la formation clinique
Former un psychologue clinicien ne se limite pas à lui enseigner des concepts théoriques. Il doit aussi :
- Acquérir une expérience clinique réelle, à travers des stages et des supervisions.
- Apprendre à gérer la dimension affective de la relation thérapeutique.
- Développer une réflexion éthique sur l’impact de ses interventions.
C’est pourquoi elle soutient que la formation du psychologue doit inclure une réflexion sur ses propres réactions émotionnelles et sur sa place dans l’échange clinique.
Conclusion
Juliette Favez-Boutonier défend une psychologie clinique ancrée dans l’humain, la singularité et la relation. Elle la distingue nettement de la psychologie expérimentale et de la médecine en mettant l’accent sur l’observation, l’entretien et la prise en compte de l’histoire individuelle. Son approche a largement influencé la psychologie clinique contemporaine en France et continue d’être une référence pour les cliniciens d’aujourd’hui.
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